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Discriminations en discothèque : retour sur une grande victoire
Le testing est un outil de lutte contre les discriminations car il est le seul qui permette de fournir une preuve de discrimination reconnue par la loi. Cependant, celui-ci est en réalité très peu accepté par les magistrats qui le plus souvent estiment qu’il ne crée pas une preuve à part entière.
Pourtant l’affaire que nous relatons ci-après va à contre-courant de cette tendance et montre qu’il est possible de faire condamner quelqu’un qui discrimine grâce au seul testing.
En juin 2006, à Grenoble, le Vice Président de SOS Racisme a organisé un testing à l’Ambiance café. Le gérant et le directeur de l’établissement ont refusé l’accès aux groupes non blancs. En conséquence, Sos Racisme Grenoble, Sos Racisme national et l’UFC-Que choisir d’Isère les ont poursuivis en justice.
Le 23 juin 2006, les deux prévenus ont été condamnés chacun à 5000 euro d’amende et 2102 euro de dommages et intérêts pour les trois parties civiles. C’est parce que le juge a eu ce qu’on appelle dans le jargon judiciaire « l’intime conviction » de l’intention de discriminer des prévenus qu’il les a sanctionnés. La particularité ici est qu’il a eu cette conviction sur la seule preuve que constitue le testing.
Dans toutes les autres affaires de discrimination en discothèque, le seul testing ne suffit pas à convaincre les magistrats. Pour obtenir celle-ci, il est nécessaire d’apporter des témoignages de personnes présentes le jour du testing, de réaffirmer et prouver systématiquement la différence entre le racisme et la discrimination. Tout en rappelant que la discrimination qu’elle soit teintée de racisme ou pas est interdite est pénalement répréhensible…
Cette affaire est donc exceptionnelle pour deux raisons. Elle marque un progrès considérable dans la reconnaissance de l’existence de la discrimination en France. Et d’autre part, elle constitue un durcissement de la justice face à cette discrimination qui trop souvent s’exerce dans un sentiment d’impunité.
Aussi notre combat, à la Maison des Potes, passe par le développement de la pratique du testing car c’est notre véritable arme pour lutter contre les discriminations. Pourtant bien que devant la loi, il constitue en lui-même une preuve de discrimination, les magistrats trop frileux ne s’en contentent jamais pour se convaincre de l’intention de discriminer comme expliqué ci-avant.
A part dans cette affaire de l’Ambiance café et une autre contre le Queen à Paris en 2005 dont le jugement a par ailleurs été partiellement annulé en cours d’appel. Ainsi cette affaire s’agissant des portiers des autres discothèques qui avaient fait appel de la décision permet d’effectuer un rapprochement entre la théorie du testing à savoir qu’il constitue une preuve à part entière de discrimination et la réalité puisque des magistrats s’en sont convaincu de l’intention de discriminer des prévenus.
Ainsi on peut espérer que progressivement, les magistrats vont reconnaitre le testing comme ce qu’il est c’est-à-dire une preuve de discrimination.
A Grenoble, bien que les condamnés aient fait appel, le jugement a été maintenu par la Cour d’appel de Grenoble le 17 janvier 2008. Peut-être en tireront ils ces enseignements : l’égalité n’est pas une option ou un choix. C’est une obligation et nous devons tous y travailler.
Il ajoutait que bien que le testing soit reconnu tant par la loi que par la Haute juridiction, la majorité des magistrats semble soit l’ignorer, soit le nier comme en témoigne les propos tenus par le Président du tribunal de Créteil lors d’une autre affaire : « arrêtez d’utiliser ce mot Maître ! Testing, c’est de l’anglais ! ».
Julia Moumon
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