Des peuples à la conquête de leurs indépendances
On
a tendance à ramener l’histoire des indépendances à une histoire
politique et juridique alors que les histoires des indépendances c’est
d’abord une histoire sociale, culturelle, intellectuelle qui se
manifeste sous une forme politique. Nous pouvons découvrir que la
colonisation ce n’est pas seulement des blancs qui dominent des noirs,
la colonisation c’est autre chose que ça et c’est même plus que ça :
Cette période de l histoire nous monte qu’il s’agit d’un despotisme
politique de blancs certes, mais avec le concours d’un certain nombre de
noirs; il s’agit également un système d’exploitation féroce et
d’aliénation culturel.
Si
l’on veut comprendre l’histoire de l’Afrique de la fin du 19ème siécle à
aujourd’hui c’est ce le fil conducteur qui est à suivre...
Du
point de vue du combat populaire, il y a au moins 2 directions claires:
Premiérement le recours à la violence et à la lutte armée au début de
la colonisation -dans les années 1900 puis dans les années 20 avec en
1928 la guerre de la Manche de Houe dans l’actuelle Centre Afrique-. Au
lendemain de 45, on retrouve également ce genre manifestation de lutte
chez les anciens combattants tirailleurs qui organisent des mutineries
pour acquérir les même droits que les soldats français avec lesquels ils
étaient égaux face à la mort.
Lorsque
les tirailleurs partent au combat contre l’armée allemande, ils
comprennent bien qu’ils participent à une guerre de la liberation contre
la tyrannie, une tyrannie qu’ils retrouveront en rentrant en Afrique
face à laquelle ils protesteront.
La
rebellion armée sera surtout accompagnée du combat syndicale au
lendemain du massacre de Thiaroye... La France envoie ces soldats
mutins soit à Madagascar, soit en Indochine et plus tard en Algérie en
guise de punition. Il s’agit là d’une stratégie visant à épargner le
sang des français mais il s’agit aussi et surtout de dissoudre et
d’écarter ces mouvement de “désordre” d’Afrique subsaharienne qui
pourraient gangréner la région...Trop tard...
Les
grèves de 1945 des dockers Sénégalais, des cheminots du Sénégal-Niger,
de Côte d’Ivoire-Niger mais aussi des cheminots du Ghana, du Congo sans
oublier les ouvriers d’Afrique du Sud.... Tous mettent en place des
mouvements spontanés visant à lutter pour une égalité de droit. Ils
seront rapidement réprimés et disqualifiés au motif du fait qu’ils
auraient été manipulés par le bloc communiste et l’URSS en particulier.
Cependant, ces mouvements sociaux reposaient sur la conscience que
« nous avons été libres avant (la colonisation), nous pouvons donc être libre aujourd’hui ».
Autre
groupe de résistance, dont on ne parle pas ou trop peu: Les femmes.
Elles constituent un groupe de pression important à cette époque. Toutes
issues du peuple, les « market women » ont été de formidables
propagandistes à Dakar, Accra, au Togo voir même au Ghana et au Kenya…
Cette force féminine a bien été intégrée dans les mouvements
d’indépendances. Nous pouvons retenir la révolte des femmes de Grand
Bassam en Cote d’Ivoire, non loin d’Abidjan, qui ont marché en masse
sur Abidjan pour lutter contre l’internement de militant du PDCI (le
Parti Démocratique de Cote d’Ivoire) à l’époque où Houphouet Boigny
était apparenté aux communistes.
Ces
femmes manifestaient le droit qu’avaient leur mari de faire reconnaitre
leurs droits de citoyens conquis par la loi Lamine Gueye en 1946, il
n’y avait donc aucune raison de les arrêter.
La
jeunesse fut également lobby non négligeable dans cette lutte pour
l’indépendance. On a beaucoup parlé des étudiants massivement regroupés
et organisés à Dakar pour l’espace français, ce qui fut également le cas
au Ghana, au Nigéria et en Ouganda. La communauté estudiantine
africaine en France, en Angleterre et aux Etats Unis (la WASU : West
African Studiant Union fondée dans les années 20) a joué un rôle
cruciale dans l accompagnement de cette resistance intellectuel et
stratégique.
Mais
il me semble important d’insister sur les gens qui étaient au dessous
des étudiants. L’Afrique, à cette époque, connait un baby boom
extraordinaire, par conséquent de nombreux lycéens et collégiens
organisés et conscientisés, ce sont appropié le combat de leurs ainés
pour jouer un rôle manifeste dans la lutte pour l’indépendance.
Djibo
Bakari au Niger qui, en 1958, appelle à voter « NON » au referendum de
De Gaulle, s’est beaucoup appuyé sur cette jeunesse là. Beaucoup de ces
élèves déscolarisés vont finir par s’engager dans les partis politiques.
Mais la réponse de la France face à cet engouement populaire a été de
faire émerger une classe de politiciens pour casser ce mouvement venu
des rues. Résultat: de 1945 à 1947 le peuple se mobilise massivement
autour de politiciens africains français progressiste élu par ce même
peuple aux postes de députés et autres hautes fonctions.
La
France, par cette habile manoeuvre réussit finalement à installer des
partenaires africains de la colonisation au sein même des sociétés
africaines sur lesquelles elle pût s’assurer d’avoir la main mise.
Propos recueillis par Samuel Thomas et Nadjib Sellali
Elikia M’bokolo et son équipe travaille actuellement à la réalisation d’un documentaire qui abordera la question coloniale mais pas seulement…Diffusion prévue pour mai 2010 sur TV5 Monde.
Titre : Afrique (s) : l’Afrique racontée par elle même
Auteurs : Elikia M’bokolo
Sainteny Phillipe
Alain Ferrari
Production : Temps Noir
Cet éclairage permet de comprendre comment ensuite ces mouvements populaires d'une importance et d'une diversité que j'ignorais ont pu être en partie étouffés ou fortement encadrés.Car une des questions que l'on se pose souvent et que je me pose aussi c'est la raison pour laquelle une portion conséquente du continent africain s'est couverte de dictatures parfois sanglantes.Mais il semble que l'essentiel s'est joué avant la séquence des indépendances,sous le contrôle encore et toujours de la puissance coloniale,c'est-à-dire au moment de la décolonisation.L'ultime avatar de cette domination étant la France-afrique si je simplifie un peu.Merci à Elikia M'bokolo de ses Lumières dont nous avons besoin.
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