Joy Sorman*, écrivaine.
Le fait de se revendiquer comme féministe a-t-il du sens aujourd’hui face à une nouvelle génération qui a du mal à se revendiquer comme telle ?
Ça a du sens de se revendiquer féministe vue l’état des rapports entre les hommes et les femmes et les combats qui reste à mener. Après, c’est un terme qui peut paraître extrêmement ringard pour des jeunes filles et des garçons. Il renvoi à un combat d’arrière-garde, à une image de femmes hystériques qui veulent couper « les couilles des hommes ». C’est presque un problème de marketing, de communication. Mais est-il est plus important de faire accepter le mot féministe aux jeunes générations ou de s’attaquer au problème d’égalité ? Aborder la question du féminisme sous l’angle des luttes à mener pour l’égalité salariale ou contre les violences faites aux femmes permet de sensibiliser les jeunes générations.
Comment expliquer que les freins persistent encore et ce malgré les avancées juridiques ?
L’idée même des engagements politiques forts, ce fut le cas, par exemple, lors de l’abolition de la peine de mort, c’est qu’ils sont toujours à l’avant-garde des prises de consciences. Mais je suis assez optimiste dans la mesure où le féminisme est un combat récent, une trentaine d’années, et au regard du temps historique ce n’est rien. Pourtant, beaucoup de gens se disent pour la parité, ils trouvent cela formidable, mais en même temps continuent à être enfermés dans des représentations complètement archaïques avec toujours cette même idée : la femme est quand même mieux à la maison. On peut politiquement défendre l’idée mais dans sa chair même, son métabolisme même, ne pas arriver à passer le pas.
Quel est le combat essentiel à mener pour faire de l’égalité une réalité quotidienne ?
Aucun combat n’est plus important que l’autre. Pourtant, il y en a un qui pourrait avoir une espèce de conséquence en chaîne assez productive : l’amélioration de l’accueil des enfants en crèche. Et ainsi permettre aux femmes qui ont des enfants de pouvoir continuer à travailler sans difficulté. Il faut également réformer le congé parental surtout lorsqu’on sait que 80% de ces congés parentaux sont pris par des femmes et souvent les plus précaires qui, finalement, décrochent du monde du travail. Permettre à toutes les femmes de continuer à travailler tout en ayant un enfant et en particulier les femmes les plus fragiles et les plus précaires. Ca me semble essentiel car c’est arracher la femme au foyer et la libérer concrètement.
Propos recueillis par Loubna Méliane.
*Bégaudeau et Joy Sorman viennent de publier « Parce que ça nous plaît. L’invention de la jeunesse », aux éditions Larousse, 256 pages, 17 €.
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