L'Ecole au coeur de tous les enjeux

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Mercredi, 1 Août, 2012
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Pote à Pote n°94, Septembre 2004

Solide et fragile à la fois, en proie aux maux de notre temps, l'école de la République se cherche. A chaque fois, c’est la même chose. Qu’un débat ait lieu dans une salle municipale, dans un colloque avec des gens très sérieux, ou à la télé, la conclusion sonne comme une évidence : « C’est à l’Ecole de jouer son rôle ! ». Quel que soit le sujet abordé.


L'Alpha et l'Omega

Comment éviter aux jeunes de tomber dans la délinquance ? L’Ecole doit faire de la prévention (et précoce, encore, dès la maternelle). Comment faire baisser le chômage ? Il faut améliorer la formation. Lutter contre les discriminations ? Contre le racisme ? Ajouter une heure de cours « citoyenne » par semaine. Sensibiliser les individus à l’art et à la culture ? L’école doit ouvrir un club théâtre ! Lutter contre de l’influence démesurée de la télé ? Faire de l’éducation à l’image au collège. Comme si notre société, profondément imprégnée de l’idéal républicain enseigné par les instituteurs du XIXème siècle, ne trouvait de réponse à ses multiples névroses qu’en se réfugiant dans le temple laïc édifié par Jules Ferry et ses apôtres : l’instruction publique. On en demande tellement à l’école que pas grand monde ne s’offusque des discours trempés de l’Education nationale : retour aux « va- leurs » à la bonne vieille dictée, et pourquoi pas à l’uniforme, tant qu’on y est, les baggies et les strings sont si vulgaires, si décadents ! Des voix se lèvent même pour réclamer la fin de la mixité. Quant aux horreurs qu’on nous donne à voir une fois par semaine sur M6, à travers les mésaventures d’une bande de gamins d’aujourd’hui enfermés dans un Pensionnat « des années 50 » à côté duquel un camp d’entrainement de Marines passe pour un aimable camp de vacances, ça en dit long sur le malaise ambiant. L’Ecole doit être le Superman des temps modernes, tout résoudre à la fois, relever tous les défis et sauver tous les petits enfants, mais elle doit aussi être plus pure, plus dure, plus traditionnelle. L’ « héritage 68 », nous dit-on, serait responsable de ses dérives. On aurait créé des générations d’incultes hirsutes, irrespectueux, au prétexte de l’abjecte « libération des mœurs ». Alors, plutôt que de se concentrer sur l’émancipation de millions de petits citoyens, plutôt que de s’ouvrir sur le monde, source d’inévitable « nivellement par le bas », l’Ecole devrait redéfinir sa mission première : l’enseignement des fondamentaux, la parole du maître contre celle de l’élève, l’autorité. Ce discours d’ailleurs n’a qu’une portée limitée car il ne correspond à aucune réalité. Il sert surtout de cache sexe à une réalité amère : quand on ne met pas les moyens de réussir une politique, on sort du placard les préceptes les plus conservateurs. La ficelle est connue.


Ça va mal 

Les raisons de s’inquiéter, certes, ne manquent pas. Les profs font ce qu’ils peuvent dans un environnement morose : entre ce manque de moyens pour mener à bien leur mission et la sensation qu’une partie de la jeunesse leur échappe, ils naviguent à vue, bien souvent abandonnés à leur triste sort. La violence est, dans certains endroits, un phénomène qui s’est installé dans le quoti- dien sans qu’on ne s’en émeuve plus que cela. Les inégalités, la reproduction sociale, l’orientation forcée, les discriminations, et les collèges ou lycées ghettos font désormais partie du paysage. Face à ces phénomènes que l’on croyait ponctuels il y a encore dix ans, les familles sont à leur tour désorientées. Soit elles acceptent le discours du retour en arrière, soit elles choisissent la solution communautaire, soit elles envoient leurs enfants dans le privé, pensant qu’ainsi ils seront protégés des mauvaises fréquentations. Parfois, des ménages très modestes font des efforts financiers incroyables pour sortir leur fils ou leur fille du public, et payer une inscription dans un établissement sous contrat, tandis que des parents aisés obtiennent une dérogation facilement pour échapper à la carte scolaire. Les ZEP, Zone d’Education Prioritaire, au lieu de l’arsenal pédagogique accru dont elles disposent, ont acquis une telle mauvaise réputation que les parents qui peuvent en bénéficier s’en méfient, voire s’en détournent.


Le meilleur système, malgré tout

Et Pourtant... Dernier des pouvoirs non régaliens de l’Etat à n’être pas privatisé (privilège qu’elle partage en effet avec la police, la justice et l’armée), l’Ecole reste une formidable machine à produire de la réussite. Le fameux « mammouth », comme disait l’autre, rend encore quelques services. Le mammouth scolarise (presque) gratuitement toute la population, le mammouth corrige les inégalités les plus flagrantes, il amène au bac de plus en plus de jeunes, il propulse vers les études supérieures des catégories dont les grands parents obtenaient avec peine le certificat d’études, il fabrique des chercheurs, des ingénieurs, des intellectuels, il transmet les valeurs républicaines, il suscite des vocations, il mélange les populations, génère du métissage. Et surtout, il est composé des profs qui ont foi en leur métier, qui croient en ce qu’ils font, qui se battent chaque jour pour faire reculer les ghettos, et qui en plus le font pour pas cher. L’école à la française n’est pas parfaite, mais bon nombre nous l’envient. Pour aller en fac aux Etats-Unis, soit il faut que papa soit millionnaire, soit être une future star de NBA ou courir de 100 mètres en moins de dix secondes.


Quelle école pour demain ?

Le proverbe se révèle hélas souvent exact : quand on veut tuer son chien, on dit qu’il a la rage. Quand l’Ecole ne va pas bien, on dit qu’il faut « refondre le système ». Soit en le soumettant aux exigences du privé : « Si on gérait le lycée de mon fils comme une entreprise, on verrait les résultats ! ». Soit en le laissant pourrir : « Construisons une Ecole pour riches, et laissons les pauvres se démerder entre eux ». Le résultat ? Beverly Hills pour les uns, Hartley cœur vif pour les autres. Le luxe et les bons profs d’un côté, avec un quota de minorités pour faire bonne figure. Le délabrement et l’échec scolaire de l’autre. Ce n’est pas cela que nous voulons ! L’Ecole dont on rêve « ne refuse pas l’autorité mais le paternalisme ». L’Ecole dont on rêve instruit les élèves mais veut les rendre plus intelligents, plus ouverts. Elle ne se transforme pas en sanctuaire, mais accepte le monde qui l’entoure. Elle enseigne Victor Hugo et aimé Césaire, la Shoah, la guerre d’Algérie, et la Révolution. Elle accueille la culture et le sport sans les dénigrer. Elle lutte contre les prophètes et les prédicateurs, elle se préserve des obscurantismes. Elle n’a pas peur de son ombre mais assume son métissage. Elle donne à apprendre mais donne à penser. Elle forme des élites de toutes les couleurs au lieu d’envoyer Mo- hammed en BEP et Marc-Antoine à louis Le Grand (et si Marc-Antoine veut quand même être menuisier, qu’il soit menuisier, car là n’est pas la question !).

Bref, le dossier que nous vous proposons dans ce numéro de rentrée ne se voile pas la face, mais compte des raisons d’avoir confiance en l’avenir. Plein de bonnes volontés se battent pour cela. Elles sont dans Pote à Pote.



THIERRY KELLER



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