L’émeute pour le dire

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Lundi, 26 Décembre, 2011
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Spectaculaire par sa violence et son immédiateté, l’émeute interpelle, secoue, questionne. Lorsque la pression est trop forte, lorsqu’il n’y a plus de mots, elle devient l’action qui incarne le verbe, qui dit l’injustice. L’anthropologue Alain Bertho analyse pour Pote à Pote cette forme d’expression en commentant les émeutes qui ont eu lieu en Angleterre en août.

 

(crédit photo : Chipps Chippendale)

Comment expliquez-vous les émeutes de cet été à Tottenham ? Ont-elles un rapport avec les émeutes de 2005 en France 

 Je dirais qu’il s’agit d'une révolte résultant de la décomposition de la politique. Et effectivement, je pense qu'en 2005, c'était déjà ça. J’analyse le phénomène émeutier comme le résultat d'un effondrement des dispositifs de représentation politique qui permettaient, depuis le XIXème siècle, de s'exprimer de façon discursive, avec des mots, des revendications... Quand cet espace de représentation se referme, quand il y a des pans entiers de la population dont la parole n’est plus légitime, plus écoutée, plus entendue, est effacée de l’espace public, quand plus personne ne parle en leur nom, il n’y a plus d’autres façons de dire les choses que par des actes. Ça me semble vrai aussi en 2005. Les points de départ peuvent être variables. Il y en a qui reviennent régulièrement. En France en 2005, c’était la mort de deux jeunes, Zyed et Bouna, en 2007 c’était Mushin et Laramy, à Tottenham c’était un jeune père de famille. Mais il n’y a pas que ça. Répression contre le commerce informel dans les du pays du Sud, déficience des services publics, la question du logement, des expulsions. La liste des conflits sociaux, des inégalités, des injustices qui ne peuvent pas ou plus trouver d’autres voies pour se dire que l’émeute, s’allonge de jour en jour. C’est le défaut de « politique » qui est à la base de ce phénomène. Quand la parole est retrouvée, quand on arrive de nouveau à dire les choses avec des mots collectivement, la violence n’est plus forcément nécessaire. C’est ce qui est en train de se passer avec les Indignés par exemple.

 

Pourquoi y a-t-il eu des pillages ?

La liste des conflits qui ne peuvent plus être dits autrement s’allonge. Mais elle s’aggrave aussi. Depuis 2005, on observe une dureté plus grande dans la volonté d’en découdre de la part des jeunes. On a beaucoup parlé du pillage en Angleterre. C’est un élément relativement nouveau dans la période récente. Mais le pillage à une dimension fondatrice dans les révoltes populaires.

 

Les émeutiers anglais s’en sont pris à l’affichage urbain de l’inégalité sociale.

Ce que disent les jeunes Français que nous avons interrogés, c’est qu’il s’agit d’un pied-de-nez, quelque chose pour dire : « Vous ne nous aurez pas complètement. On va réussir à récupérer un peu de notre bien. ». Le propre de l’émeute, contrairement à la politique, c’est d’être une action immédiate qui n’est pas pensée de façon stratégique. C’est une pure explosion de colère, une pure émotion comme on disait sous l’Ancien Régime. On parlait d’émotions populaires. Il y a quelque chose de l’immédiateté qui dit : « Cette injustice, je la répare tout de suite. » L’émeute est un langage. Il faut y être attentif. Les émeutiers anglais s’en sont pris à l’affichage urbain de l’inégalité sociale.

 

La ghettoïsation des quartiers ou la pratique du communautarisme sont-ils générateurs d’affrontements ?

Parlons de choses précises. Ce que l’on appelle le communautarisme, je ne sais pas ce que c’est. Ce que l’on observe en Angleterre, c’est effectivement le maintien du renforcement de liens de solidarité en fonction de cultures, d’origines, mais qui a toujours existé dans tous les pays à toutes les époques. Les émeutes en Angleterre ne relèvent pas de luttes communautaires. Toutes les communautés se sont retrouvées ensemble, contrairement à des affrontements antérieurs. Je suis très prudent sur la question du communautarisme. Dans les situations de très grande précarité, il faut toujours faire très attention à ne pas casser les liens de solidarité et de survie qui existent entre les gens. Et il y en a de très importants dans les cités populaires.

 

La ségrégation urbaine, qui est une ségrégation d’abord sociale, est réelle. Des pans entiers de la société sont en dehors de la ville. Elle est redoublée d’une mise l’écart symbolique, politique très importante. Il y a de la part des Etats la tendance assez fréquente aujourd’hui à traiter une partie de la pauvreté urbaine comme extérieure à la société et à la traiter de façon quasiment guerrière. Souvenons-nous des interventions policières à Villiers-le-Bel ou du maire de Sevran qui en appelait à l’armée... Il y a une ségrégation qui est vécue extrêmement douloureusement par une population qui n’a pas « droit à la ville », pour reprendre une expression d’Henri Lefebvre. En même temps, il y a une externalisation, une mise à l’écart extrêmement violente matériellement et symboliquement. Les émeutes sont le résultat d’une gestion sécuritaire et policière de la société aujourd’hui, qui est une tendance mondiale.

 

 

Propos recueillis par Christine Chalier




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