Testing, entre outil d’évaluation et technique probatoire

Anny Balta : Quel bilan tirez-vous de l’opération de testing organisée, en 2007, par le Centre d’analyse stratégique?
Gwénaële CALVÈS : Cette opération de testing a été menée à petite échelle, selon une méthodologie différente de celle que préconise le Bureau international du Travail. L’idée était d’ouvrir la discussion, pour que d’autres équipes de chercheurs viennent confronter leurs approches ainsi que leurs méthodes. L’opération a été menée à des fins scientifiques uniquement, dans le cadre d’un programme de recherche sur l’expérimentation en sciences sociales. Mais notre testing, peut-être parce qu’il était piloté par un service du Premier ministre, a déclenché un débat beaucoup plus large sur les moyens de mesurer et de combattre les discriminations.
A.B : Selon vous, pourquoi il n’y a pas davantage de testings effectués par la puissance publique ?
G. C. : Parce que ce n’est pas le rôle de la puissance publique ! Le testing, c’est un instrument qu’utilisent soit les scientifiques, soit les militants. Pour les scientifiques, c’est un outil supplémentaire pour l’analyse de la discrimination. Pour les militants, c’est un moyen pour établir la preuve d’une discrimination. Quant à la puissance publique, si elle veut établir la réalité d’une discrimination, elle dispose de moyens autrement plus puissants que sont la police, la gendarmerie, l’inspection du travail... Pour mener une enquête, elle a mieux que le testing.
A.B : Vous faites une distinction entre testing scientifique et testing judiciaire.
Pouvez-vous revenir sur cette distinction ?
G C : Dans le cadre du testing scientifique, il s’agit d’évaluer ponctuellement le taux de discrimination dans un secteur donné. L’objectif n’est pas d’épingler qui que ce soit pour discrimination, mais de lancer un coup de sonde dans une branche d’emploi particulière, ou sur le marché du logement dans tel endroit. Avec le testing judiciaire, l’objectif n’est pas du tout le même : il s’agit de pré-constituer une preuve pour permettre la condamnation d’un délinquant. Il faut qu’un des deux membres du couple de « testeurs » existe réellement, et accomplisse jusqu’au bout la démarche de recherche d’emploi, ou de logement. Alors que dans le cadre du testing scientifique, tout est inventé : les personnages sont purement fictifs, ce qui permet de mieux contrôler l’expérience.
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