Affaire Tieboyou : le bailleur HLM LOGIREP poursuivi pour fichage ethnique et discrimination
L’affaire commence en juillet 2005. Salarié de la RATP, Frédéric Tieboyou vit alors avec sa mère dans un appartement du 20e arrondissement. Souhaitant changer de logement, il reçoit de son employeur une notification officielle le désignant comme attributaire d’un appartement de 3 pièces à Nanterre appartenant à la société LOGIREP, qui gère 25 000 logements en Ile-de-France. Quelques jours plus tard, il reçoit pourtant un courrier de refus de son dossier par la commission d’attribution, avec pour motif “mixité sociale”.
“ Il y a déjà assez de noirs dans cette tour ”
Frédéric Tieboyou décide d’entrer directement en contact avec la société LOGIREP. Au téléphone, on lui répond qu’il y a “déjà assez de noirs dans cette tour”. La suite de la discussion, enregistrée par M.Tieboyou, est édifiante. Loin de revenir sur ses propos, la salariée de l’agence persiste à justifier et à amplifier ses propos.
“- Sur cette tour en particulier, la tour Ouessant à Nanterre, y a déjà beaucoup de personnes d’origine africaine et antillaise.
- Donc, moi parce que je suis français d’origine ivoirienne, je ne peux pas entrer dans cette tour ?
- Dans cette tour-là, non.”
“Ce n’est pas de la discrimination, c’est de la mixité” se défend la salariée de l’agence, s’appuyant même sur l’article 56 de la loi contre l’exclusion. Évidemment, il s’agit là d’interprétation totalement détournée de loi, dans le but de justifier les pratiques discriminantes de l’agence LOGIREP.
“Je ne pensais pas qu’il y avait des critères de race”, Frédéric Tieboyou
Choqué par les pratiques et les propos de LOGIREP, Frédéric Tieboyou décide de ne pas en rester là et s’adresse à SOS Racisme. Aidé par Samuel Thomas, alors Vice-Président de SOS Racisme, aujourd’hui Délégué Général de la Fédération Nationale des Maisons des Potes, il dépose une plainte en août 2005 pour discrimination et fichage ethnique contre LOGIREP. Une enquête a dépuis prouvé que l’agence classait ses locataires selon leurs origines raciales ou ethniques. Elle permet aussi de confirmer qu’il y a bien eu une discrimination raciale envers M.Tieboyou, ce qui renvoie LOGIREP devant le tribunal correctionnel de Nanterre le 7 mars 2014. Le jugement rendu le 2 mai 2014 a condamné la société LOGIREP à 20 000 € d’amende pour fichage ethnique. En outre, le bailleur social a été condamné à verser 10 000 € de dommages et intérêts à SOS Racisme et à la Maison des Potes, qui se sont portés parties civiles.
Malgré les résultats de l’enquête, le tribunal en a pourtant conclu que le bailleur ne pouvait être tenu responsable de la décision de rejet prononcée par la commission d’attribution. Selon Samuel Thomas, cette décision est “absurde”. “Nous allons faire appel sur cet aspect de la décision qui revient à exonérer LOGIREP de sa responsabilité. Une commission d’attribution n’est pas distincte de son bailleur.”
Une bataille importante remportée mais une guerre qui continue !
La sanction de LOGIREP pour fichage éthnique est une avancée indéniable dans cette affaire, malgré une amende “dérisoire” comparée au 1,725 millions d’euros d’amendes qui auraient pu être versés suite à l’instruction de cette affaire. Cette condamnation nous montre qu’il est possible de remporter de réelles victoires dans la lutte contre les discriminations. Après la décision du tribunal de ne pas condamner LOGIREP pour discriminations, la Maison des Potes a fait le choix de faire appel, et continuera donc à suivre ce dossier de près.
Affaire à suivre donc…
Erik Pagès, volontaire en service civique
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