A qui profite la bi-nationalité ?

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Lundi, 15 Août, 2011
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Animé par les députés UMP Claude Goasguen et Lionel Luca, le débat sur la bi-nationalité permet à la majorité actuelle de ne pas parler des problèmes économiques et sociales de la société française. Pourtant, comme l'indiquent la militante associative Zoubida Chalka, le syndicaliste étudiant Baki Youssoufou, la femme de lettres Rhavia Tahardji et l'élue Samira El Khadir, au contraire : la bi-nationalité n'est pas un problème, mais plutôt une réalité impossible à éviter, une richesse, voire même une solution. Mais à qui ça profite ?


«  La Loi française n’’exige pas qu’’un étranger, devenu français, renonce à sa nationalité d’’origine, ou qu’’un français ayant acquis une autre nationalité renonce à la nationalité française.» Voilà pour la loi. En France, et ce n’’est pas le cas partout (Chine, Russie, RDC, Haïti, par exemple), la double nationalité est tolérée. Attention. Et là c’’est partout pareil : devant la loi, l’’individu appartient à la nation où il se trouve. Si l’’individu franco-belge commet un délit en France, la Belgique ne peut pas faire jouer la diplomatie. Et vice-versa. Si l’’individu franco-belge commet un délit en Belgique, la France ne peut pas le protéger. Sur le même principe, l’’individu franco-belge résidant en France, jouit des droits, mais aussi des obligations désignés par l’’Etat français. Partout, la géographie prédomine. Il n’’y a rien de compliqué : la nationalité, c’’est celle de la nation où l’’on séjourne.

Mais voilà que le parti au pouvoir dit s’’interroger sur la «bi-nationalité» (la «double nationalité», version vintage) par la voix de Claude Goasguen. Pour le député-maire UMP du XVIème arrondissement de Paris, il faudrait contraindre les binationaux à «choisir entre deux nationalités». Dans un contexte économique peu glorieux, et un an à peine avant les élections présidentielles, avec un parti d’’extrème droite en forme (F.N.), un parti de l’’op- position en tête dans les intentions de vote (P.S.), et un parti au pouvoir tenté par la division (UMP), le débat sur la binationalité peut paraître comme un petit pont fait à Laurent Blanc et aux quotas du foot français, ou comme un grand pont vers Marine Le Pen et ses projets du Front National. Mais, avec tout ça, la bi-nationalité, choisir ou ne pas choisir : pourquoi donc se poser la question ?

La réponse parait bien difficile à trouver quand on écoute Zoubida Chalkha : «La bi-nationalité, c’’est comme si on te demandait de choisir entre ton bras gauche et ton bras droit !». La secretaire générale de la Maison des Potes de Narbonne, pleine d’’énergie, qui travaille sur le terrain comme animatrice socio-culturelle, comprend tout autant le grand étonnement que ce dilemme, auquel renvoie ce débat, provoque chez Baki Youssouphou, président de la Confédération Etudiante : «Quand on était au collège il y avait un jeu. Ca s’’appelait «ta mère ou ton père» (...) à la fin, fallait choisir entre ta mère et ton père! On avait 10, 11 ans, et déjà c’’était violent, tu ne savais pas si c’’était une blague, et aujourd’’hui, on en revient à faire ce choix : si vous avez une mère belge et un père français, et qu’’un jour on vous demande de choisir... C’’est pas sérieux !».

Les Amuseurs de galerie

Et pourtant non, ce n’’est pas une blague. Monsieur Claude Goasguen, le rapporteur des travaux de la mission d’’information parlementaire sur le droit de la nationalité, ne cache pas sa volonté que l’’on réfléchisse même à «une limitation des droits politiques des binationaux». Puis, mercredi 22 juin 2011, suite à la vive réaction de ses adversaires et même certains de ses partenaires politiques, le député UMP assurait ne plus préconiser certaines des propositions-choc contenues dans son rapport sur la bi-nationalité, rendu quelques jours plus tôt. Néanmoins, malgré les nuances, la blague était dite, et le débat lancé. Etait-ce le but ?

«Ca amuse la galerie, ils sont dans un délire» reprend Baki Youssoufou, voire dans un déni : «ça leur permet pendant ce temps-là d’’occuper les associations antiracistes à crier au scandale, pendant que eux, les amuseurs de galerie, ne font rien. Face à la crise : ils n’’ont rien à dire. Ils n’’ont pas d’’argument. C’’est juste pour faire le buzz». Le président de la Confédération Etudiante va plus loin, prétendant que le camp UMP lui-même ne soutiendrait pas le fond : « J’’en suis sûr : même eux ils n’’y croient pas». Ce doute mérite d’’être appuyé. Quand on parcourt les publications des échanges au sénat, on tombe en 2004 sur une réponse parue au Journal Officiel du 25 mars de cette année-là. Il s’’agit d’’une réponse du Ministère des Affaires Etrangères qui se montre réjouit. La question porte sur la récente, à l’’époque, disposition du Parlement Indien qui alors ouvrait la voie à la double-nationalité, notamment pour les français qui y sont établis : «Le Ministère des Affaires Etrangères considère en effet que cette loi, qui permettra notamment aux français rési- dant en Inde de bénéficier officiellement de la double nationalité, ne peut présenter que des avantages pour notre communauté dans ce pays. Les Français possédant également la citoyenneté indienne devraient en toute logique être dispensés d’’obtenir des autorisations de séjour ou de travail. A l’’époque, la France était déjà gouvernée par... le camp UMP. Alors, ça marche dans un sens, et ça ne marcherait pas toujours dans l’’autre ? «C’’est pas sérieux!». Alors ce débat ne serait qu’’un écran de fumée?

Pas seulement une crise de la Nation

Même quand elle entend l'écrivain Richard Millet dire "on ne peut pas être Français et en même temps s'appelait Mohamed...", et même si cette sortie lui rappelle les listes de prénoms français que les autorités proposent lors des francisations, elle balaie tout ça d'un revers, dissipe le brouillard, et regarde à travers la fumée : "En fait, la binationalité, c'est un faux débat qui ne concerne que la classe dirigeante". Rhavia Tahardji est slameuse. Cette femme de culture d'une détermination sans limite, a fondé Le Slam Attitude de Lorraine. Pour elle, le débat montre le décallage entre la classe politique et la population. Reprenant une citation du poète Paul Verlaine "Prends l’éloquence et tords-lui son cou!", la slameuse veut tordre l'éloquence des "vieux" politiques. Elle constate que les comportements ont changé, "mais pas les lois". Rhavia Tahardji va plus loin. Pour elle, bien plus qu'une crise de la nation, avec ce débat sur la binationalité, nous assistons à une crise de la représentativité. "Il n'y a pas assez de jeunes au pouvoir. On n'a pas de représentant".

Samira El Khadir, depuis juin dernier, a "fraîchement" 34 ans. Elle fait partie de ces "jeunes au pouvoir". En même temps que son métier de psychologue, elle est conseillère municipale à Pessac (près de Bordeaux) et conseillère communautaire pour la communauté urbaine où il lui arrive de faire des centaines de kilomètres par jour afin d'aller voter le budget transport concernant les futures lignes de tramway de sa région --- entre autres. Sympathisante P.S., elle n'est pas encartée comme on dit. Et elle aussi, cette jeune élue à l'emploi-du-temps bouillant, a remarqué ce décallage entre ce qui se dit dans les hémicycles d'en haut, et la vie quotidienne d'en bas. " Au niveau des gens de la société, ce n'est pas un débat qui vient sur le tapis, sans ça, ça serait compliqué dans nos écoles, dans nos hôpitaux, et ailleurs. Ca serait faussé". C'est une crise de la représentativité de l'ensemble des habitants du pays : "Avec le droit de vote pas accordé aux étrangers (ce qui est déjà limite), ce débat n'a qu'une visée purement politique, ce n'est pas pour le bien-être des Français : ce débat n'est pas une vraie solution à leurs vrais problèmes de tous les jours (l'éducation, la prévention, l'emploi...)". Alors la psychologue se pose cette question : "avec ce débat, finalement, qui est visé ?".

Stigmatiser les mêmes

"C'est encore l'immigré, avec des finalités économiques". Pourtant, les études rejettent l'idée du "pain du Français volé par l'immigré" et confirment ce que Samira El Khadir a vu aussi : "les emplois les plus précaires sont occupés par les immigrés." En attendant la diffusion, et la rediffusion de ce type d'informations, regrette Samira El Khadir, "Les médias relaient surtout ce genre de débat. Et on continue à stigmatiser les mêmes. Après le voile, on a eu l'identité nationale, après, on a la binationalité, après, c'est quoi le prochain épisode ?"

La franco-marocaine se souvient de son enfance. A la même époque, avant d'empreunter les routes qui mènent aux vacances, il y avait, sur les murs, les affiches simplistes du leader de l'extrème droite française : "3 millions de chômeurs, 3 millions d'immigrés ". Comme beaucoup de sa génération, la petite Samira a souvent eu l'impression d'avoir "le cul entre deux chaises". Comme d'autres, quand elle se rendait là-bas, on lui disait "tu n'es pas Marocaine, tu es une française; et ici, on lui disait, tu n'es pas Française, tu es une marocaine! Alors je me tournais vers mon père, et je lui demandais : si c'est pas là-bas chez nous, si c'est pas ici, c'est où chez nous? C'est entre les deux? C'est l'Espagne? Mon père m'a répondu :"Ah non surtout pas!...". Malgré tout, depuis "la France aux Français", beaucoup de choses ont changé. Pour Baki Youssouphou, c'est évident, et implacable : "Nous sommes une génération mobile ! ". Et rien ne peut l'arrêter.

Les avantages de la biculture

"Nous sommes la génération qui bouge. Une génération google, facebook." Rhavia Tahardji appuie cette idée. Pour la slameuse : " les jeunes du monde entier se brassent, et s'embrassent". En toute logique, Baki Youssouphou en fait l'écho : "Nos enfants, et nos petits-enfants, parleront plusieurs langues. Il y aura des enfants qui auront plusieurs nationalités". Ces richesses sont vécues comme telles par Rhavia Tahardji, : "Je suis fière de ma biculture", et pour Zoubida Chalkha la militante de Narbonne : "La binationalité n'est pas un handicap!".

Au contraire, la biculture et la binationalité sont comme des plus, des avantages, voire une chance pour la société française selon Samira El Khadir : "La France n'a rien à perdre avec la valorisation de l'autre nationalité. Et tout à gagner. Il arrive que nos jeunes, vivant déjà un problème d'identité, la portent comme un handicap, mais la France en valorisant la binationalité, les sortirait d'une certaine skyzophrénie." Mais que dire alors des propos de Lionnel Luca ? Pour le très droitier député UMP des Alpes-Maritimes, favorable à une réglémentation du code de la nationalité bien plus conservatrice, il y a "un affaiblissement du sentiment national". A contre-courant, la psychologue et conseillère municipale de Pessac a une autre approche, bien plus progressiste : "L'identité nationale n'est pas liée à la nationalité. Quand les immigrés travaillent, ici, en France : ils participent à l'identité nationale de la France". Alors à qui profite déjà la binationalité ? Sans doute à cette société française qui sait à la fois regarder la réalité telle qu'elle est, et à la fois regarder vers l'avenir.

 

dolpi

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