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Portrait : Julie Elyssa Kraim
Issue d’un couple mixte (sa mère est française et son père tunisien) Julie Elyssa Kraim dérange, aux yeux de certains, par son profil.
Née en France, elle quitte le pays, à l’âge de neuf mois, pour aller s’installer en Tunisie avec ses parents. Après son bac et « n’étant pas super douée en arabe », elle décide de revenir vivre en France le temps de sa scolarité. L’occasion pour elle de découvrir, finalement, un pays qu’elle connaît très peu. Pourtant, il n’a jamais été question pour elle de rester, d’autant que son arrivée éveille un questionnement sur son identité. « Suis-je une immigrée de première génération ? ». Le regard et les propos grinçants des autres nourrissent avec douleur sa réflexion : « Les gens me disaient toujours « mais ce n’est pas possible, tu ne peux pas être arabe ».
Mais pas question de s’apitoyer sur son sort. Héritière d’une histoire familiale forte, elle décide de s’engager au parti socialiste. Au début, elle donne des coups de mains : écrit des articles pour les revues, internes du PS, distribue des tracts, assiste aux réunions, etc... En 2004 ses responsabilités grandissent, le parti la désigne pour se présenter aux régionales. La liste sur laquelle figure Elyssa Kraim remporte le scrutin et la propulse au poste de Conseillère Régionale en charge du spectacle vivant et des luttes contre les discriminations. « Je n’ai pas cette histoire des banlieues, j’ai vécu tout autre chose, mais ça ne veut pas dire que je ne comprends pas. Ceux qui sont venus en France dans des conditions plus faciles ne sont pas nécessairement des gens qui méprisent ceux qui sont déjà ici ».
Elle obtient une enveloppe budgétaire- inexistante avant son arrivée- pour mettre en place son plan d’action. L’une de ses orientations politiques en la matière : travailler en amont avec tous les acteurs, de lutte contre les discriminations, pour que le Conseil Régional établisse une meilleure expertise de terrain et qu’un engagement bilatérale se mettent en place pour aboutir à une amélioration de la situation réelle en la matière.
Une rencontre annuelle est organisée pour que chacun puisse faire part de ses difficultés et de ses doléances, tout en apportant des solutions concrètes.
Suite à quoi, Elyssa Kraim met en place un fond de financement spécifique à la lutte contre les discriminations. Cet argent va servir tous les ans à une quinzaine de projets sociaux culturels. «Je me suis rendue compte, par exemple, que la région n’avait jamais financé la Gay-Pride, désormais grâce à ce fond, c’est possible ».
Elle veut également sensibiliser les plus jeunes. Pour eux, elle a mis en place un appel à projet : la première année, il s’agissait de réfléchir à une politique de lutte contre les discriminations « Depuis c’est l’appel à projet qui suscite le plus de retour au Conseil Régional. Et c’est vraiment intéressant puisque désormais nous avons de véritables professionnels sur cette question dans nos lycées ».
Cette institution n’est pas en reste, elle organise des sessions de formation pour sensibiliser les services de recrutement, en contact avec le public, pour lutter contre les discriminations.
Malgré toute cette énergie et cette détermination à vouloir en finir avec les discriminations, l’avenir reste incertain. L’encrage local lui fait peur. Elle qu’on n’a jamais vraiment prise au sérieux, affirme que « lorsqu’on voit débarquer un élu du Conseil Régional on s’attend à voir un homme, blanc, avec une cravate et les cheveux grisonnants ». Elle doute, s’inquiète et surtout doit vite se décider sur son engagement ou pas aux prochaines régionales… car 2010 c’est demain.
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