Profanations à caractère raciste : trois apprentis néo nazis condamnés
L’enquête avait duré plus d’un an jusqu’à l’interpellation de 16 suspects en mars 2011. Six sont finalement jugés, trois devant le Tribunal correction de Strasbourg et trois devant un tribunal pour enfants, car ils avaient 16 à 17 ans lors de la première profanation.
Le caractère raciste des profanations était évident, seuls les tombes juives et musulmanes ont été visés. Le profil des auteurs le confirmait aussi, les trois adultes de 22 ans à l’époque appartenaient à la mouvance skinhead et étaient admirateurs d’Adolf Hitler.
La tombe d’un enfant de 18 mois a également été profanée. L’audience s’est déroulée dans une ambiance tendue. De nombreuses parties civiles étaient présentes et la police s’est déployée en nombre pour éviter d’éventuels débordements. « Regardez-moi au fond des yeux, vous avez cassé à coups de pied la tombe de mon petit garçon. Vous avez violé mes entrailles. Je n’ai pas de haine, mais je vous maudis », a lancé aux deux principaux prévenus Fouzia Rebbani, dont le bébé, Yanni, a été enterré en 1994.
Plus qu’une dégradation matérielle, la profanation de tombes et de stèles est un acte de haine exacerbant le racisme et l’intolérance. Une réponse pénale d’une extrême sévérité doit alors être attendu au nom de la dignité des morts, la liberté religieuse et la cohésion sociale.
Le Tribunal de Grande Instance de Marseille avait dans une affaire similaire déclarée en 1997 : « ils ont concrétisé leur pensée antisémite par ces actes. Attendu par ailleurs ; qu’un racisme et un antisémitisme qui vont jusqu’à pourchasser des individus ; par-delà leur mort, offensant ainsi les vivants, ne peuvent être tolérés, qu’en effet, au-delà des tombes profanées et dégradées, au-delà du mépris ostensible à l’égard des familles des défunts, les prévenus ont porté une atteinte intolérable au sens sacré de la mort, en troublant par leur haine et leur acharnement le repos de ceux qui ne sont plus »
Dans notre affaire, la substitut du Procureur, Madame Marie de Naurois a requis des peines allant de un an à deux ans ferme d’emprisonnement assortis du mandat de dépôt. Des peines appropriées pour l’ampleur et la gravité des dégradations. Elle rappelle d’ailleurs dans son réquisitoire que « le devoir de mémoire doit se doubler d’un devoir de vigilance » ces actes étant « contraires aux principes de notre démocratie ».
Contre Nicolas LECUREUR, elle avait réclamé une peine de trois ans de prison, dont deux ferme. Contre Mathias LEYER, elle avait réclamé trois ans de prison dont 18 mois assortis du sursis, ayant considéré que ces deux prévenus étaient les "leaders" du groupe. Contre Jonathan HUSSER, elle avait réclamé deux ans de prison, dont un an avec sursis.
Le Tribunal Correctionnel de Strasbourg dans son jugement retient que les prévenus ont agi avec un racisme revendiqué et primaire et les condamne le 20 juin 2012 pour ces profanations.
Il est d’ailleurs important de noter que ces profanations tombent sous deux qualifications pénales :
D’une part, les auteurs sont condamnés pour dégradation du bien d’autrui à raison de la religion, sur le fondement des articles 322-1 alinéa 1 et 322-2 du Code pénal.
D’autre part, et c’était aussi l’enjeu important de cette affaire, leur culpabilité est établie pour avoir provoqué publiquement à la haine raciale ou la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personne, en l’espèce les personnes appartenant à la religion juive et musulmane. Les dessins et emblèmes dans cette affaires étaient des symboles de haine et des exhortations à la violence contre les membres de ces communautés. Cette infraction est prévenue dans la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse à ses articles 23 et 24 2° alinéa 6.
Ainsi, sur le plan juridique il est possible qu’une action unique soit constitutive de deux infractions lorsque les qualifications en présence ne sont pas inconciliables entre elles et sanctionnent la violation d’intérêts distincts. Cette solution est posée par la Cour de cassation depuis son arrêt de principe Ben Haddadi du 3 mars 1960. Dans notre affaire, ce cumul d’infraction est possible puisque la dégradation des tombes porte atteinte aux intérêts des familles des défunts et la provocation à la haine ou la violence heurte la société française dans son ensemble.
Les trois auteurs des profanations perpétrées dans les cimetières de Cronenbourg, Robertsau et
Meinau sont donc condamnés le 20 juin 2012 par le Tribunal correctionnel de Strasbourg.
Matthias LEYER et Nicolas Lecureur ont été condamnés à dix-huit mois de prison ferme. Jonathan HUSSER a été condamné à un an de prison ferme. Ils ont aussi été condamné à verser solidairement plus de 13 000 euros de dommage moral aux parties civiles, dont le MRAP, la Licra et SOS Racisme.
Nicolas Lecureur fera appel de cette décision mais la Cour d’appel de Colmar confirme la décision des juges de première instance dans une décision du 30 octobre 2013. La Cour d’appel prononce contre lui une peine de deux ans de prison dont un avec sursis et mise à l’épreuve pendant trois ans avec obligations de travailler et d’indemniser les victimes.
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