Loi n° 2001-1066 du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations : Etape majeure dans la lutte contre les discriminations au travail
L’élaboration de la loi du 16 novembre 2001 participe ainsi à ce mouvement juridique et s’inscrit dans la volonté d’une politique véritablement antidiscriminatoires. La multiplication des enquêtes mettant en lumière l’ampleur des discriminations et la mobilisation des associations favorisent à la fin des années 1990 l’inscription sur l’agenda politique français de la lutte contre les discriminations raciales.
La loi du 16 novembre 2001 s’inspire aussi des apports majeurs du droit de l’Union européenne en matière de discrimination et notamment dans les relations de travail. Mais elle modifie aussi le Code pénal. Cette loi approfondie la définition de la discrimination et des critères de distinction prohibée. Il s’agit par ces modifications d’appréhender au mieux toutes les situations discriminatoires.
- Un élargissement de la définition des discriminations : la consécration des discriminations indirectes
Tout d’abord, la loi de 2001 transpose alors dans le droit française la directive 2000/43/CE de mise en œuvre de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique. Cette directive se fonde sur le principe d’égalité de traitement qui interdit toute discrimination dans le monde du travail.
S’il s’agit toujours de s’attaquer à la discrimination délibérée et directe, la directive puis la loi de 2001 s’attachent à sanctionner des formes plus subtiles de discriminations, mises à jour notamment par des travaux américains dans le domaine des sciences sociales, en reconnaissant les processus cognitifs de catégorisation et le déploiement inconscient des stéréotypes. Il s’agit ici de combattre la discrimination indirecte, c’est-à-dire la discrimination qui est mise en place par une mesure, une pratique, en apparence neutre qui aboutit à un traitement défavorable des travailleurs.
Cette définition a pour objet de permettre au juge de mesurer, par-delà une apparente égalité de traitement, l'impact concret d'une disposition en évaluant la proportion de personnes défavorablement touchées par une mesure, au regard d'un autre groupe placé dans une situation similaire.
Cette approche se caractérise donc par une démarche comparative et quantitative qui a été mise en place par la Cour de Justice des Communautés européenne dans le cadre des discriminations fondées sur le sexe avant de s’appliquer à l’ensemble des discriminations.
Ainsi, dans un arrêt Bilka du 13 mai 1986, la Cour de Justice des Communautés européennes avait considéré que le principe d'égalité était violé « lorsqu'une mesure frappe un nombre beaucoup plus élevé de femmes que d'hommes, à moins que l'entreprise n'établisse que la mesure s'explique par des facteurs objectivement justifiés et étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe ». Ce sont surtout les mesures ayant trait au travail à temps partiel qui ont permis de révéler de telles discriminations.
Désormais, seul le constat du traitement défavorable suffit à relever l’existence de la discrimination et à la condamner. Elle est Intégrée à l’article L 122-45 du Code du travail qui précisait qu’« aucune personne (…) ne peut faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte (…) ».[1]
Cette nouvelle forme de discrimination a pu heurter le juriste français pour qui la discrimination étant nécessairement directe implique l’intention de son auteur de discriminer dans l’accès à l’emploi ou dans l’accès à une formation professionnelle.
- Faciliter l’action des victimes : un partage de la preuve des discriminations
La principale difficulté en matière de discrimination est de la prouver.
En intégrant la discrimination indirecte en droit français, cette loi a aussi contribué à faciliter l’action des victimes de discriminations devant le juge en mettant en place un nouveau système de preuve pour les travailleurs face à l’employeur.
Est ainsi mis en place un régime de preuve en deux temps : à charge pour la victime de montrer l’apparence de la discrimination en fournissant un indice ou une probabilité, et en retour pour l’employeur de renverser cette apparence et de montrer par voie de conséquence qu’il n’a pas discriminé.
Cet aménagement de la charge de la preuve est important pour la victime, en lui permettant de pouvoir apporter des éléments devant le juge au soutien de sa prétention. Par le jeu du partage de la preuve, l’apparence de la discrimination directe ou indirecte, qui incombe à la prétendue victime, devient la réalité si le défendeur ne parvient pas à la combattre efficacement.
Sortir les victimes de leur isolement, les inciter à nommer les pratiques dont elles font l’objet, tel est le sens d’une politique publique de lutte contre les discriminations.
La loi du 16 novembre 2001 marque un progrès incontestable dans lutte contre les discriminations par le droit. Mais elle n’a pas comblée toutes les attentes puisqu’ elle ne s’intéresse qu’aux discriminations liées à l’emploi, public ou privé.
Il est en effet regrettable que le principe de non-discrimination ne soit pas dès 2001 mis en œuvre en matière de protection sociale, d’avantages sociaux, d’éducation ou encore d’accès aux biens et aux services et de fourniture de biens et de services, y compris en matière de logement. Cette approche globale avait pourtant envisagé la directive européenne.
[1] Aujourd’hui figurant à l’article L.1132-1 du Code du travail
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