BNP PARIBAS condamnée pour discrimination à raison de l'origine maghrébine
En l’espèce, Monsieur K.B, né en 1968, a été engagé par la SA BNP Paribas selon un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 2 janvier 2006, en qualité de conseil en gestion de patrimoine, statut cadre, niveau H, au sein de la Direction Régionale de Lyon.
En dernier lieu, Monsieur K.B occupait le poste de Conseil en Banque Privée (CBV) et sa rémunération mensuelle brute moyenne s’élevait à la somme de 5.711,05 euros.
Par lettre datée du 22 juillet 2016, M. K.B a pris acte de la rupture de son contrat de travail, au motif de la discrimination subie, en raison de l’origine géographique et culturelle maghrébine, l’origine ethnique arabe, et l’appartenance réelle ou supposée à la religion musulmane, et le harcèlement discriminatoire en découlant. A la date de la prise d’acte, Monsieur K.B avait une ancienneté de 10 ans et 6 mois et la SA BNP Paribas occupait à titre habituel plus de 10 salariés.
Afin de voir juger que sa prise d’acte doit s’analyser en un licenciement nul voire sans cause réelle et sérieuse et réclamant diverses indemnités, outres des dommages et intérêts pour discrimination, Monsieur K.B avait préalablement saisi, le 14 juin 2016, le conseil de prud’hommes de Paris qui, par jugement du 28 novembre 2017, a débouté le salarié de ses demandes et l’a condamné au paiement de diverses sommes envers la SA BNP Paribas.
Monsieur K.B décide alors de former un appel suite au jugement rendu par le Conseil de prud’hommes.
Par une décision rendue le 16 février 2021, la Cour d’appel répond à plusieurs argumentations :
Sur la prise d’acte :
Elle considère que la prise d’acte de la rupture du contrat par un salarié produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués par le salarié sont établis et caractérisent des manquements suffisamment graves de l’employeur à ses obligations empêchant la poursuite de la relation contractuelle. A défaut, la prise d’acte produit les effets d’une démission.
Monsieur K.B soutient avoir fait l’objet d’une discrimination fondée sur son origine maghrébine et arabe ainsi que sur sa religion supposée, l’islam, en relevant quatre griefs à l’égard de l’employeur : des conditions d’embauche et de prise de poste suspectés, un blocage de carrière et salarial, des tentatives de mobilité systématiquement refusées et d’un harcèlement discriminatoire.
Sur la discrimination :
L’article L1132-1 précise qu’aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement, de nomination, d’accès à un stage, à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L3221-3, de mesures d’intéressement ou de distributions d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe ou encore de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race.
S’agissant de l’action en justice, l’article L1134-1 du code du travail précise que lorsque le le salarié présente des éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d’apprécier si ces éléments dans leur ensemble laissent supposer l’existence d’une discrimination et, dans l’affirmative, il incombe à l’employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
La Cour considère que les éléments dans leur ensemble présentés par le requérant laissent supposer l’existence d’une discrimination : « la BNP ne justifie pas autrement que par des considérations générales, objectives pour lesquelles les candidatures qu’il a formulées ont été majoritairement déclinées sans entretien préalable. L’employeur ne peut se borner à soutenir qu’il s’agissait de postes prisés sur lesquels il existait une concurrence forte sans produire de justificatifs plus précis».
Sur le harcèlement discriminatoire, la Cour d’appel considère que « M.B a vécu cette situation comme une inertie de l’employeur malgré les alertes des représentants du personnel, sa santé s’est s’est détériorée, comme cela ressort de ses arrêts de travail et du courrier que le médecin du travail a adressé à l’employeur le 22 avril 2014 ». Dès lors, l’employeur, en ne réagissant pas aux plaintes de son salarié, a méconnu son obligation de veiller à la protection de sa santé.
La Cour d’appel déduit de l’ensemble de ce qui précède que « l’employeur n’a pas démontré que les conditions financières initiales d’embauche et que les décisions prises quant à l’évolution de carrière et l’absence de mobilité de Monsieur B.K étaient étrangères à tout motif de discrimination à raison de son origine maghrébine ou arabe ».
Par une décision rendue le 16 février 2021, la Cour considère que l’existence d’une discrimination est établie. Elle infirme ainsi le jugement rendu par les juges de première instance du conseil des prud’hommes : la cour évalue le préjudice du salarié du fait de la discrimination ; le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité ainsi qu’à prévenir cette situation de discrimination malgré ses engagements ; requalifie en licenciement nul sa prise d’acte de rupture du contrat de travail et octroie en conséquence des indemnités afférentes ; une indemnité réparant le préjudice licenciement nul illicite ; et enfin la condamnation de la BNP Paribas aux dépens.
La Cour alloue une somme totale de 126 000 euros « en réparation de l’entier préjudice subi du fait de la discrimination à raison de son origine arabe ou maghrébine ».
Pour Maître Clara Gandin, avocate de Monsieur K.B, interrogée par la MDP, « le dossier est exemplaire par bien des aspects, notamment en raison du profil particulièrement remarquable du salarié en question, lequel ajoutait à l'injustice vécue. Il s'agit, après une première condamnation pour discrimination sexuelle en 2010, puis pour discrimination à raison de l'homosexualité en 2016, de la troisième condamnation à l’encontre de BNP Paribas pour discrimination pour un motif dont la reconnaissance est particulièrement rare devant nos juridictions ».
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