Éric Zemmour et son mot magique
Le fait de s’en prendre à « la plupart » des membres d'un groupe plutôt qu'à leur intégralité ne change rien à la nature du propos. Effectivement, le chroniqueur utilise ce mot afin de s’exonérer de sa responsabilité, il n’a peut-être pas visé la majorité des mineurs isolées mais il a porté atteinte à un groupe de personnes, comme confirme le tribunal correctionnel avec sa décision rendu le 17 janvier 2022.
La 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris (chambre de la presse) condamne Éric Zemmour et le directeur de publication de CNews, Jean-Christophe Thiery de Bercegol du Moulin, sur le fondement de l’article 24 et 29 de la loi du 29 juillet 1881 pour provocation à la haine à caractère raciale et injure à caractère raciale.
En l’espèce, il faut savoir qu’Éric Zemmour, le 29 septembre 2020 lors d’un débat télévisé avec Christine Kelly sur la chaine CNEW dans l’émission « Face à l’info », en tant que chroniqueur commentaire d’un édito intitulé « Mineurs isolés : une naïveté française ?» consacré à la question des mineurs isolés non accompagné en France, il avait affirmé que les mineurs étrangers isolés sont « pour la plupart des voleurs, des violeurs, des assassins ». Aussi, « ces jeunes comme le reste de l’immigration » ne doivent plus venir en France : « ils sont voleurs, ils sont assassins, ils sont violeurs, c’est tout ce qu’ils sont, il faut les renvoyer ».
À la suite de ces propos litigieux, le chroniqueur auteur de ces propos et le directeur de la publication de la chaîne de télévision ont été poursuivis sur la base des dispositions de la loi du 29 juillet 1881, pour injure envers un groupe de personnes, à raison de leur origine et provocation publique à la haine ayant la circonstance aggravante le caractère racial des propos.
Sur ces faits, il est opportun d’éclairer les raisons pour lesquelles le chroniqueur et son directeur ont été poursuivis. Le fait de dire que les mineurs isolés « sont voleurs, des violeurs, des assassins » sont incontestablement réprimer par la loi. Et permettre la transmission de ces propos incriminés sur CNEW, une chaîne à grande audience sans supprimer le passage litigieux, fait du directeur de publication auteur des faits et Éric Zemmour complice.
Par conséquent, le juge estime que le fait de réduire les immigrés à de simples délinquants, même potentiels, les qualifiants de voleurs, de violeurs, d’assassins, le chroniqueur a tenu, à leur encontre des propos particulièrement outrageants et dégradants qui revêtent un caractère injurieux et qui visent un groupe de personnes à raison de leur non-appartenance à la nation française.
Le juge va également retenir que les propos tenus visées les personnes immigrées en ce qu’elles n’appartiennent pas à la nation française et qu’ils sont « de nature à justifier la haine et la violence des spectateurs en suscitant la détestation des immigrés en réaction à l’invasion et aux agressions décrites de la part de ce groupe ».
Aux termes de l’article 33 de la loi du 29 juillet 1881, l’injure raciste est passible d’un an d’emprisonnement et de 45.000 euros d’amende.
Et à l’égard de faits de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence de caractère raciste, l’article 24 de la loi de juillet 1881 prévoit la possibilité de peines pouvant aller jusqu’à 5 ans de prison et 45.000 euros d’amende.
Néanmoins, Éric Zemmour a été condamné à 100 jours d’amende à 100 euros, soit 10.000 euros d’amende, une peine, bien en-deçà des peines susceptibles d’être prononcées. Et le directeur de la publication a été condamné à 3.000 euros d’amende.
Et à titre de réparation du préjudice subi par les associations déclarées recevables en leur constitution de partie civile, le Tribunal a accordé à la Maison des potes la somme de 2.000 euros ainsi qu’autre associations antiracistes partie civile.
Après la rendue publique de la délibération, la maison des potes peut se féliciter de la condamnation d’Éric Zemmour, même si le président de l’association Samuel Thomas, trouve regrettable que le tribunal n’ait pas prononcé une peine complémentaire d’inéligibilité.
Pour ces faits, Me Jérôme Karsenti, avocat de la Maison des potes-maison de l’égalité, avait demander une condamnation qui « rappelle » que « La parole d’Éric Zemmour n’est pas une opinion, elle est un délit ». Satisfait, de cette décision, il déclare sur RCM que « la justice a été ferme et rappeler à un moment extrêmement important de la vie publique française, en période électorale, que le racisme n’est pas une opinion et que la radicalisation des propos était d’une violence extrême et fabriquer des violences. Elle vient dire stop à un débat public qui a pris trop excès et permet de dire n’importe quoi et surtout de faire du mal à beaucoup de gens, c’est un message à l’extrême droite très fort ».[2]
Quant à l’avocat d’Éric Zemmour, Me Olivier Pardo face à la presse a estimé que « les migrants ne sont ni une race ni ethnie et donc poursuivre pour provocation à la haine raciale n’avait pas de sens (...) et qu’un jugement a été rendu, mais la justice n’est pas encore passé » et décide d’interjeter appel[3].
Cette décision affirme que l’exercice de la liberté d’expression comporte des devoirs et responsabilités et que le faire d’être sur un débat public ne saurait justifier les injures et les provocations à la discrimination et à la haine raciale. Le droit à la liberté d’expression ne saurait être utilisé pour promouvoir des idées contraires à l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme.
[1] https://www.gala.fr/l_actu/news_de_stars/il-sait-ou-se-situe-la-ligne-comment-eric-zemmour-evite-habilement-les-condamnations_479674
[2] https://rmc.bfmtv.com/mediaplayer/video/eric-zemmour-condamne-a-10-000-euros-d-amende-pour-provocation-a-la-haine-1381614.html
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