Les violences conjugales en question
Kila Giroux, SOS Racisme Dijon :
« Ҫa m’interpelle quand on me parle de ces femmes qui ont subi la violence et à qui on doit chercher un hébergement. Pourtant il y a une loi qui dit que quand un homme a été violent avec sa femme on doit le mettre dehors. Mais si c'est le cas, que fait cette femme à se retrouver dehors à chercher un logement ? »
Warda Sadoudi :
« Il y a effectivement une loi : on est sensés sortir le conjoint violent de l'appartement et y laisser la femme. Pourtant, il vaut mieux qu'elle parte pour mieux se protéger, ne pas rester dans un lieu qui est connu par l'auteur des violences.
La plupart des femmes aimeraient rester dans leurs foyers, c'est pour ça qu'il y en a beaucoup qui restent et subissent des violences, pour l'équilibre de leurs enfants, pour les maintenir à l'école, pour garder souvent juste la chambre, le lit pour leurs enfants ou garder le lien avec leur environnement proche. Il y a des expérimentations qui ont parfaitement marché où on éloignait le conjoint. Ça n'a pas été appliqué à l'échelle de la France. Quand on voit la lenteur de la justice, le souci c'est qu'aujourd'hui ces femmes-là sont dans l'urgence, elles ont peur de mourir souvent. Bien sûr il faudrait que dans l'idéal elles restent chez elles, que l'homme soit dans un foyer éloigné, qu'il ait un bracelet électronique pour ne pas l’approcher mais c'est pas le cas. »
Marie-Christine, associative à Marseille :
« Je suis issue d’un quartier populaire. J'ai été coordonnatrice de la première marche des femmes pour l'égalité à Marseille. Les combats des femmes ont porté de nombreux fruits. Cependant nous sommes très loin du compte, car dès lors qu'on vit dans les réalités des quartiers on se rend compte, du moins j'en ai l'impression, que les violences envers les femmes ne font qu'augmenter. Les femmes culpabilisent de plus en plus d'être femmes, et cela commence de plus en plus tôt. Quand allons-nous faire un réel effort concernant la prévention ? Ça se passe dès l'école primaire. Je vous garantis que dans nos écoles on voit des gamines de neufs ans qui sont déjà victimes de violence parce qu'elles sont filles. Aujourd'hui être une petite fille de dix ans signifie déjà se protéger des hommes. C'est faire attention ne pas être trop jolie, pas mettre de jupes trop courtes, sous peine d'être traitées de provocatrices, parce qu'il est vrai qu'à 8 ans on est provocatrice. Et ça devient très grave dans le sens où ça s'inscrit dans les mentalités. La prévention est un moyen de palier à ça. Quand le pouvoir va-t-il aider les mères et les instit' ? Les associations font avec leurs moyens. Quand est-ce qu'on va généraliser tout ça afin qu'on puisse aujourd'hui éduquer nos enfants à avoir d'autres types de comportements ? »
Une avocate au barreau de Paris :
« Sur la question de l'ordonnance de protection et la loi de 2010, il est vrai que cette loi est intervenue pour arriver en aide à ces femmes-là pour les sortir de cette violence qui est assez importante notamment dans les banlieues. Mais ce qui se passe aujourd'hui c'est que beaucoup des tribunaux n'accordent pas d'importance à notre appel, à nous même avocats. On arrive et on dépose notre requête pour obtenir cette ordonnance de protection et on ne l'obtient pas. Et en plus ça se fait dans la lenteur. On a trois semaines voire un mois pour accorder cette ordonnance. Pendant ce temps, où vont ces femmes ? Qu'est-ce qu'elles deviennent ? Le seul tribunal aujourd'hui sur le territoire français qui est assez réactif, c'est Bobigny. Pour quelle raison, je ne sais pas donc qu'est-ce qu'on peut faire ? Comment former, comment interpeller les juges les magistrats et les différents tribunaux sur cette condition-là ? »
« Il faut insister sur la pérennité du logement. Deux, trois jours, ça ne suffit pas. Il faut permettre à ces femmes de se réinsérer, car la majeure partie du temps, en tout cas en matière de violence, la difficulté est lié à la formation professionnelle, à l’impossibilité d’avoir une vraie emprise dans l’emploi. »
Sarah
Osez le féminisme
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