Interview : Kenny Bertonazzi, « on déconstruit les fantasmes sans tuer les rêves »
Loubna Meliane : Quel public accueillez-vous dans votre entreprise d’insertion ?
Kenny Bertonazzi : À travers mon entreprise d’insertion, « Step », on s’adresse particulièrement aux jeunes, issus des quartiers dit « sensibles », sans qualification, dont les parents et/ou grands-parents sont issus de l’immigration. Or, lorsque vous êtes jeune, sans qualification, de surcroît, issu de l’immigration, vous cumulez beaucoup de freins.
Du coup, pour être au plus près de notre public, il a été question, un moment, d’installer notre entreprise d’insertion au cœur du quartier. Mais très vite, on s’est rendu compte que c’était une très mauvaise idée. En effet, personne ne travaille au pied de son immeuble où au bout de sa rue. Sortir de son quartier est aussi un facteur d’insertion. Notre entreprise, c’est donc finalement installé sur un technopôle. C’est un lieu rassemblant des laboratoires de recherche et des unités de production, dans des domaines technologiques divers, d’autant plus valorisant pour nos jeunes. A cela s’ajoute notre secteur d’activités puisque « Step » est une société de service en ingénierie informatique.
De quelle manière travaillez-vous ?
Nous accueillons 14 personnes, en poste d’insertion, les autres membres de l’équipe sont des collaborateurs de l’entreprise. Ces « permanents » sont chargés de l’encadrement, du suivi mais aussi de la qualité de nos prestations. Chaque fois que l’on accueille un nouvel arrivant, l’équipe de permanents doit l’intégrer, le former, durant plusieurs mois, tout en construisant avec lui son projet professionnel. L’enquête de métier, les entretiens, avec des personnes concernées par le secteur d’activités, vont permettre de construire un projet de sortie tout en tissant des liens avec les entreprises locales pour permettre à nos jeunes d’accéder au marché de l’emploi plus facilement. On déconstruit les fantasmes, sans tuer les rêves des uns et des autres, car certaines fois on peut avoir de bonne surprise.
Sans vouloir parler de taux de réussite significatif, êtes-vous satisfait de vos résultats ?
Le bien fondé de la démarche de l’entreprise d’insertion, comme facteur de cohésion social, n’est plus à démontrer. Au niveau national, la CNEI a fait plusieurs études qui montrent que pour 1 euro, investi par les collectivités, c’est 4 euros récupérés par cette même collectivité : 2 euros dû aux charges salariales et 2 euros sur les indemnités de chômage. En terme de réussite, l’objectif c’est effectivement l’emploi durable. Nationalement, 53% des personnes retrouvent un emploi, dans le cadre d’un contrat à durée déterminée (de +/- six mois) ou d’un contrat à durée indéterminée. Ce taux de réussite peut-être calculé grâce au travail de nos équipes qui continuent du suivre les personnes durant six mois, un an, voir deux ans pour certains. Tous ne donnent pas de nouvelles mais, sur l’ensemble des personnes qui passe dans nos structures, 70% d’entres-elles restent en contact avec nous. Tous ne trouvent pas une solution à la Photo Finish, mais la dynamique est suffisamment positive pour qu’ils puissent décrocher un emploi stable et durable.
L’entreprise d’insertion est une entreprise difficile à gérer. Notre différence, c’est les moyens qu’on y met. Nous n’avons aucun mérite et en particulier par rapport à celles et ceux qui travaillent pour le service public de l’emploi. Nous avons la chance de travailler avec des effectifs réduits : quatorze personnes. L’implication, la bonne volonté ne suffisent plus aujourd’hui, la question des moyens est primordiale.
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