Harlem Désir : "L'europe doit obliger les Etats Membres à combattre plus efficacement les discriminations"

Comment allez-vous agir au niveau européen pour défendre notamment le droit des immigrés à des titres de séjour travailleur de longue durée ?
Dans la plupart des pays de l’Union européenne, on assiste à une remise en cause de l’installation durable des étrangers : diffi-culté croissante d’obtenir des titres de long séjour et multiplication des titres de court, voir très court séjour qui précarise la situation de ces personnes. Cette situation n’est pas acceptable. L’Europe doit rappeler qu’elle a besoin de la main d’œuvre étrangère et que des filières entiè-res comme le bâtiment ou l’hôtellerie restauration ne peuvent fonctionner sans elle. Tout comme elle assure aujourd’hui le droit à la libre circulation des ressortissants de l’Union européenne, l’Europe doit aujourd’hui se battre pour un renforcement du droit à la stabilité pour tous les étrangers. Nous nous sommes battus contre la directive « Retour », directive de la honte qui permet d’enfermer des étrangers pendant 18 mois sans jugement. Nous demandons son abrogation. Ce sera l’une de nos priorités si la Gauche est majoritaire au Parlement européen le 7 juin prochain.
Quel est votre projet de renforcement de la législation européenne contre les discriminations ?
Il faut que l’Europe oblige les États membres à combattre de manière plus effective les discriminations. Nous avons voté deux directives importantes. Mais une enquête rendue publique par le Bureau International du Travail fait apparaître qu’en France, ce sont 3 employeurs sur 4 qui pratiquent la discrimination dans les secteurs du bâtiment ou de l’hôtellerie restauration. Les moyens donnés pour sanctionner les discriminations sont insuffisants et quand les sanctions existent, leur portée n’est pas assez significative. Nous devrions prendre exemple sur la législation américaine, notamment le dispositif de la Class Action qui permet une action collective pour toutes les victimes d’une même discrimination dès lors qu’une décision de justice de principe est rendue reconnaissant l’existence d’une discrimination dans une entreprise. C’est un dispositif très dissuasif.
Êtes-vous favorable à ce que les étrangers non européens puissent eux aussi bénéficier de ces emplois publics « non régaliens » en France comme dans tous les pays d’Europe ?
Absolument. Il est anormal que des étrangers non européens qui résident légalement dans un pays et qui y travaillent ne puissent avoir accès à ces emplois publics non régaliens comme tous les autres. Ce déni d’égalité sur le marché du travail n’est plus tolérable. Le droit de l’Union européenne pré-voit le droit à l’égalité dans l’accès à l’emploi aux résidents extra-communautaires de longue durée, mais ce principe n’a pas été transposé en droit interne pour tous les emplois publics. Une proposition de loi déposée par la Sénatrice socialiste Bariza Khiari vient d’être adoptée par le Sénat concernant la levée des conditions de nationalité qui restreignent l’accès des travailleurs étrangers à l’exercice de certaines professions libérales ou privées tend à lutter contre les discriminations et à simplifier des procédures administratives. Attendons le vote de l’Assemblée nationale, mais c’est une véritable victoire dont devront s’inspirer les autres États membres de l’Union européenne..
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