Mamane, une mémoire venu d'Agades
“Au
Niger, de ce que mon père m’a transmis, l’espoir qui habitait tous ces
gens, pendant cette période de décolonisation, était un espoir de
liberté et de souveraineté de leur pays, ils voulaient être libres chez
eux.
Il
est facile d’imaginer la frustration de ne pas jouir de cette liberté
de conduire son existence, de circuler librement... Tout était régi par
une force d’occupation, par une autorité coloniale française qui
pratiquait un colonialisme ultra présent et directif, comparativement
aux anglo-saxons, qui avaient pour méthode « l’indirect rule » (les
anglais intervenait de l’extérieur du pays, ils déléguaient à des cadres
locaux les directives à suivre).
Les
français faisaient table rase de la culture locale en passant par une
introduction en masse de ses colons à tous les postes des différentes
classes sociales en éradiquant les langues locales et en instaurant le
français comme langue nationale. Personne n’avait le droit de s’exprimer
en dehors de cette langue, les tenues vestimentaires devaient
s’occidentaliser ainsi que la nourriture, tout devait ressembler aux us
et coutumes du colon français.
Les
quelques personnes, à la tête bien faite, qui ressentaient cette
oppression ont fait monter, peu à peu, leur désir de liberté au même
titre que les résistants français, face à l’occupation allemande, même
si l’on ne veut jamais faire le parallèle…
Brimades
et massacres illustrèrent le quotidien de ses combattants africains qui
ont lutté pour la liberté de leur peuple et de leur pays comme à Sétif
(Algérie, massacre du 11 mai 1945), au Cameroun, à Madagascar ou encore,
à Agades au Niger.
Gaossen
était un résistant touareg craint par les autorités coloniales qui
soupçonnaient les cadres du village de soutenir ce rebelle, c’est ce qui
a valu aux villageois d’Agades d’avoir été massacrés pendant leur
prière à la mosquée par l’armée française.
C’est
quelque chose qui est encore présent dans la mémoire des gens et j’en
fais justement actuellement le sujet de mon documentaire grâce aux
témoignages que je récolte. Il y a des historiens français et nigériens
qui ont écrit sur le massacre d’Agades et je veux remettre un peu de
lumière là-dessus en m’intéressant à tout ce qui s’est passé à cette
époque. Dès que le sujet de l’empire coloniale français est abordé sous
l’angle de ces massacres et des résistants africains qui y ont fait
face, on vous accuse en France de faire de la concurrence mémorielle ou
alors de trop vouloir remuer le passé. Alors qu’il s’agit juste de
rétablir des faits historiques qui ont eu lieu en Afrique sous la
colonisation, et je relate ces faits sans haine de la France.
Lorsque
que l’on enseigne l’histoire de l’occupation de la France par les
Allemands aujourd’hui, il ne s’agit pas diffuser de la haine à l’égard
des allemands, il est juste question d’enseigner l’histoire, alors
pourquoi le doute de « l’anti français » plane-t-il au dessus des
africains lorsqu’ils s’expriment sur la colonisation… ?
Il
n’y a pas plus de haine aujourd’hui entre la France et l’Allemagne
qu’il n’y en aurai entre la France et les pays africains. Je pense que
notre jeunesse française a aujourd’hui besoin qu’on lui parle de cette
histoire, que les gens apprennent et assimilent cette histoire pour une
meilleure compréhension de l’autre, voir une meilleure compréhension de
soi. L’Afrique a une histoire qui doit être dévoilée aux jeunes
africains mais aussi à la face du Monde afin d’éviter tout discours,
comme celui du président Nicolas Sarkozy à Dakar, qui fut un crachat au
visage des africains.
Il
faut que les historiens africains racontent l’histoire du continent, il
faut qu’ils publient sur l’histoire de la colonisation, il faut que le
lion raconte aussi la partie de chasse pour que ce ne soit pas
uniquement la version du chasseur qui soit assimilée.”
Propos recueillis par Nadjib SELLALI
Retrouvez Mamane au Lavoir Moderne Parisien pour son spectacle Mamane malmène les mots
Infos : sur www.myspace.com/mamanehumoriste. Rens : 01.42.52.42.63
Propos recueillis par Nadjib SELLALI
Publier un nouveau commentaire